« Je suis restée en vie mais j’étais détruite de l’intérieur » : Ovidie brise le tabou des violences obstétricales et gynécologiques dans un documentaire déchirant
Diffusé sur Arte ce mardi et en replay, le documentaire d’Ovidie, « Tu enfanteras dans la douleur » , met en lumière les témoignages bouleversants de femmes ayant subi des violences lors de leur accouchement. Elles développent les mêmes séquelles psychiques et physiques après un viol.
« Elle me fait mal, je lui demande d’arrêter mais elle n’arrête pas » , « J’ai mis des mois à m’en remettre » ou encore « On préférerait mourir plutôt que de sentir cette douleur » telles sont les phrases poignantes et douloureuses de plusieurs femmes ayant affronté des violences gynécologiques et obstétricales. Sans consentement, sans prévention, sans communication, elles ont dû subir la maltraitance de certains gynécologues, pendant ce qui devait être le plus beau jour de leur vie. Avec les larmes et la voix tremblotante, elles se remémorent pour Ovidie, réalisatrice et formatrice en éducation sexuelle, les tortures, les actes médicaux inutiles, la sourde oreille des médecins et les séquelles psychologiques.
Pénétration par surprise, épisiotomie sans anesthésie et césarienne à vif
D’une durée de 58 minutes, le documentaire s’attelle à briser le tabou autour des violences obstétricales et gynécologiques lors d’un accouchement. Il donne la parole à des femmes violentées, aux sages-femmes, aux militantes, aux juristes mais aux gynécologues obstétriciens et en particulier au président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le docteur Israël Nisand, qui a été le seul à répondre présent pour parler. Les autres spécialistes étaient « odieux » selon les termes d’Ovidie, dans Slate. Pour Marie-Helene Lahaye, juriste, les violences gynécologiques et obstétricales sont « tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le personnel de santé, qui n’est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente.«
S’ouvrant sur une manifestation, à Lille, avant le début du Congrès du collège national des gynécologues et obstétriciens de France, le documentaire présente une militante qui s’insurge contre l’impunité des violences obstétricales et gynécologiques et clame que « 1/3 des accouchements se termine par l’usage de spatules, ventouses ou de forceps. » Selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), les accouchements présentent trop d’agissements médicaux inutiles et utilisés à tort. Ces actes de torture engendrent des douleurs psychiques et physiques et se révèlent être les mêmes que celles d’un viol.
Lors d’un accouchement, les femmes peuvent subir une pénétration par surprise, une épisiotomie sans anesthésie, une péridurale sans consentement ou encore une césarienne à vif. Pour Marie-Héléne Lahaye, le corps médical ne prend pas compte de ce que veulent réellement les femmes pour donner la vie : « Quand on parle avec les médecins obstétriciens, ils ne tiennent pas compte de l’impact émotionnel de la femme. »
L’accouchement est le fruit du patriarcat et d’une domination masculine
Depuis plusieurs années, les violences obstétricales se font petit à petit une place dans les médias depuis la libération de la parole des femmes sur les réseaux sociaux. Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargée)de l’Égalité entre les femmes et les hommes et elle même victime de violences obstétricales, a été la première politique à s’emparer de ce sujet trop tabou et pas assez traité par les politiques publiques. Pour de nombreuses femmes, les conséquences de ces violences sont inhumaines puisqu’elles sont dans le « même état que des victimes d’attentat, de viol ou de guerre. » Ces violences sont le reflet de notre société puisque les débats qui entourent l’accouchement sont le fruit du patriarcat et de la domination masculine. Selon une spécialiste, « à partir du 17e, les chirurgiens barbiers se sont saisis de l’accouchement qui était un terrain dénigré. Ils ont inventé des instruments d’extraction et interdit aux femmes de les utiliser. Cette domination patriarcale est restée dans la façon dont on pratique la gynécologie. (…) Cette profession est malade, la société évolue et beaucoup n’ont encore pas compris. » Si elles se retrouvent démunies lors de leur accouchement, pour pouvoir porter plainte, les victimes se retrouvent sur un chemin sinueux. Elles doivent réclamer leur dossier médical mais certaines sont menacées si elles parlent et plusieurs dossiers ont déjà été trafiqués avant même qu’elles puissent le restituer.
Restrictions budgétaires, épuisement et bureaucratie : le corps médical se défend comme il peut
Du côte des gynécologues et médecins, la température est totalement différente et beaucoup parle d’une « profession insultée » depuis cette libération de la parole des femmes violentées. Pour le président de CNGOF, Israël Nisand, le gouvernement engage trop de restrictions budgétaires dans le domaine hospitalier et médical : »Avec peu de moyens, les gardes sont épuisantes. Certains gynécologues enchainent plus de cinq césariennes en une nuit et peuvent se sentir maltraités et donc maltraiter ces jeunes mamans. » Il a refusé à plusieurs reprises de répondre à une audition puisque « Marlène Schippa insulte la profession publiquement et supprime trop de moyens. » En plus de ces réductions de budgets, le corps médical est confronté à la bureaucratie hospitalière très prenante et longue : « On met 45 min pour remplir un papier par femme et ce temps perdu n’est pas passé avec les patientes et leurs bébés. »
L’accouchement physiologique ou la réappropriation du corps des femmes
Pour lutter contre ces violences, plusieurs méthodes se dessinent comme les sages-femmes à domicile ou l’accouchement dit physiologique. Mis en place après la Seconde Guerre Mondiale, par le parti communiste, cette méthode d’accouchement permet de diminuer les douleurs et d’apprendre à la maman à gérer son accouchement à travers une réappropriation de son corps : « La dimension éducative est mise en avant car la femme apprend à comprendre ce qui va se passer et elles sont fières qu’on s’adresse à elle » raconte une adepte de cette pratique. Mis en place en France par le docteur Max Plaquin, cette solution miracle permet aux femmes de choisir ce qui est important pour elle et de ne pas imposer : « Les accouchements sont trop médicalisés, maintenant les médecins accouchent à la place des mères » racontait-il. Cependant, ce type d’accouchement a été abandonné par « manque de moyens« , selon la thèse officielle.
Ces multiples méthodes remettent en question les pratiques, « mais comme toutes les avancées concernant le droit des femmes, l’avenir dure longtemps. »