Taxe sur le sucre : l’Institut Montaigne veut financer un « chèque fruits et légumes »
Face à la fracture alimentaire qui se creuse en France, un constat s’impose : trop de Français n’ont pas accès à une nutrition équilibrée. Pour remédier à cette situation, l’Institut Montaigne, un think tank influent, a suggéré une mesure audacieuse.
Taxer davantage les produits sucrés pour financer un « chèque fruits et légumes » destinés aux foyers modestes. Cette initiative, bien que controversée, entend non seulement aider à combler les inégalités concernées, mais aussi encourager un changement dans les habitudes de consommation. Explications sur les propositions clés de ce rapport qui suscitent déjà le débat.
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Une taxe pour encourager le changement de comportement
L’une des idées maitresses du rapport de l’Institut Montaigne est de frapper au portefeuille pour modifier les comportements alimentaires. Selon leurs recommandations, une taxe serait appliquée aux industriels qui ne réduisent pas les taux de sucre dans leurs produits.
En d’autres termes, si les fabricants ne jouent pas le jeu de la reformulation pour rendre leurs recettes plus saines, ils paieront le prix fort. Une proposition radicale, mais jugée nécessaire par Marie-Pierre de Bailliencourt, directrice générale de l’Institut, qui affirme que le « bâton de la fiscalité » reste un outil efficace pour forcer le changement.
Ainsi, cette taxe serait étendue à des produits bien connus du quotidien, tels que :
- Confiseries (bonbons, caramels, chocolats)
- Biscuits sucrés et céréales de petit-déjeuner
- Viennoiseries et pâtisseries industrielles
- Pâtes à tartiner
Cette harmonisation de la TVA à 20 % sur ces catégories de marchandises permettrait de récolter environ 1,76 milliard d’euros par an, une somme destinée à subventionner un chèque mensuel de 30 euros, accordée à quatre-millions de Français pour acheter des fruits et légumes. Un coup de pouce financier qui vise directement à encourager la consommation de produits frais et sains.
Des négociations avec les industriels pour réduire le sucre
Pour aller plus loin que la simple taxation, le rapport propose également de s’inspirer des accords collectifs déjà en vigueur. Dominique Schelcher, PDG de Coopérative U, a rappelé que des précédents existent, notamment avec la teneur en sel des pains, régulée par un accord collectif en 2022.
Dans la même veine, il s’agirait ici de réunir fermiers et distributeurs autour d’une table pour négocier une baisse conjointe du sucre dans les recettes des produits transformés.
Le principe est simple : ceux qui acceptent de jouer le jeu bénéficient d’un cadre favorable, tandis que les réfractaires se verront sanctionnés par la taxe. Pour Dominique Schelcher, il procède ainsi de responsabiliser les sociétés alimentaires tout en leur offrant un encadrement collaboratif pour opérer ces modifications.
« C’est quand même étonnant pour un patron comme moi de parler de fiscalité nutritionnelle, mais on assume, » a-t-il confié lors de la présentation du rapport, démontrant l’engagement de certains acteurs de l’industrie à changer les choses de l’intérieur.
Un soutien aux associations et aux plus démunis
Mais la taxation ne constitue qu’une partie de la solution proposée par l’Institut Montaigne. Le compte rendu souligne aussi la nécessité de soutenir les organisations d’aide alimentaire, en suggérant notamment une exonération de TVA sur les acquisitions de denrées comestibles effectuées par ces organisations.
Cette mesure permettrait aux associations de bénéficier d’une plus grande marge de manœuvre pour acheter en quantité, diversifier leur offre et, surtout, répondre aux besoins croissants des plus démunis.
D’autres initiatives, comme le développement de cantines sociales et la généralisation des gouters fruités dans les écoles, font également partie des six recommandations du rapport pour promouvoir une meilleure nutrition au quotidien.
Des solutions qui s’adressent particulièrement aux nouvelles générations, dans un souci de prévention des maladies liées à une mauvaise alimentation, et pour instaurer dès le plus jeune âge des habitudes alimentaires plus saines.
L’Institut Montaigne suggère une stratégie ambitieuse et radicale pour lutter contre la précarité nutritionnelle en France. En s’attaquant directement aux produits sucrés, le think tank espère non seulement lever des fonds pour financer un « chèque fruits et légumes », mais aussi encourager les manufacturiers à repenser leurs recettes.
Un pari audacieux qui pourrait, si les propositions sont adoptées, marquer un tournant dans les politiques alimentaires du pays. Mais il reste à voir si les acteurs de l’industrie et les responsables politiques seront prêts à relever ce défi, et à suivre cette voie encore inexplorée de la fiscalité nutritionnelle.