Le père d’Aylan Kurdi évoque le drame de la noyade de son fils, un récit insoutenable
L’image a fait le tour de monde. Le petit Aylan Kurdi, garçon syrien d’origine kurde, mort noyé en septembre 2015, était devenu un symbole de la crise migratoire en Europe.
La photographie de sa dépouille gisant sur une plage de Turquie avait entraîné une onde de choc mondiale et relancé la question de l’accueil des migrants syriens. Ces milliers de civils fuyaient leur pays en guerre pour une vie meilleure. Quatre ans après le drame, le père du jeune garçon revient sur ce tragique épisode, qui a coûté la vie à sa femme Rehanna et ses deux jeunes fils, dans une interview accordée journal italienLa Repubblica.
« Une vague nous a fait chavirer » , le récit insoutenable du père d’Aylan Kurdi
Abdullah, sa femme et ses deux enfants, tentaient alors de traverser la Méditerranée pour fuir la Syrie. Équipés de faux gilets de sauvetage en carton, leurs espoirs ont viré au drame. « Une vague nous a fait chavirer. Ma femme Rehanna ne savait pas nager ; elle tenait Aylan et Ghalib par la main et elle ne les a même pas lâchés pendant qu’elle coulait » explique-t-il aujourd’hui, la voix chargée d’émotion.
« Je lui ai crié de me laisser m’occuper des enfants, mais elle ne l’a pas fait. Ses cris étouffés par l’eau me hantent encore. Quand je l’ai rejointe, j’ai essayé de toutes mes forces de lui tenir la tête hors de l’eau, mais j’étais épuisé, je n’arrivais plus à respirer, Rehanna était aussi lourde et raide qu’une statue de pierre. Les enfants m’ont glissé des mains l’un après l’autre. Je suis resté dans l’eau quatre heures, dans l’obscurité, en espérant me noyer à mon tour »
« Je suis resté enfermé chez moi quatre jours et quatre nuits, je croyais devenir fou. »
Après le drame, Abdullah Kurdi découvre avec stupéfaction la photographie de son fils de 3 ans, inerte sur la plage, dans tous les médias. « J’étais abasourdi, en larmes, comme ivre, avoue-t-il aujourd’hui au journal italien. Des gens qui me serraient dans leurs bras, des journalistes me posaient des questions, la photo d’Aylan était partout et à la télévision, les dirigeants européens promettaient de changer les choses. Je suis resté enfermé chez moi quatre jours et quatre nuits, je croyais devenir fou. Des pensées terribles me traversaient l’esprit, je parlais tout seul, et je priais pour que personne ne connaisse plus jamais cette souffrance. »
Quatre ans plus tard, Abdullah tente de se reconstruire tant bien que mal. Il s’est remarié récemment, attend un enfant et s’engage auprès des réfugiés à travers une fondation. Il fait ainsi tout pour dissuader ceux qui optent pour la traversée vers l’Europe. « Mais personne ne m’écoute, pas même ma sœur : trois jours après le naufrage du 2 septembre 2015, elle s’est embarquée sur un canot pneumatique pour faire la même traversée que celle qui venait d’emporter ses neveux. Maintenant, elle est en Allemagne. »