« Je me suis sentie comme du bétail »: discrimination et harcèlement chez McDonald’s France, des témoignages chocs
Ce lundi, les médias Sreet Press et Médiapart ont publié une enquête dénonçant des actes discriminatoires au sein de la filiale McDonald’s France.
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Des salariés sous tension
Ce sont en tout 78 employés qui ont décidé de sortir du silence et ont accusé McDonald’s France de discrimination. Les accusations des employés interrogés vont du sexisme au harcèlement sexuel en passant par les licenciements abusifs. Street Press a interrogé plusieurs anciens employés de la filiale, dont trois ont encore aujourd’hui des séquelles de leur passage à McDonald’s.
Paul, un jeune employé accepte de répondre aux questions du média. Il affirme qu’ils sont classés en fonction de critères physiques. Il explique par exemple qu’une femme ronde et plus âgée sera affectée en cuisine, tandis qu’une femme plus jeune au physique avantageux aura plus de chances de se retrouver en caisse. Bien que conscient de ce qui se passait autour de lui, Paul a tout de même continué d’exercer à McDonald’s pour payer ses factures.
Mais un jour, alors qu’il est sur Instagram, il constate qu’un supérieur hiérarchique a laissé un commentaire évocateur sous la photo d’une nouvelle recrue. « Je trouvais ça malsain » , avoue-t-il. Lui qui se faisait d’ordinaire discret a décidé d’en parler autour de lui, déplorant l’attitude machiste et le harcèlement des supérieurs hiérarchiques. Mais voilà, un jour, les dénonciations que fait Paul arrivent aux oreilles des managers. Ces derniers, aidés d’autres salariés, décident alors de tout faire pour le pousser à démissionner. Paul a vécu cette période de sa vie comme une vraie descente aux enfers. Ses supérieurs faisaient preuve d’un acharnement hors du commun pour le pousser à démissionner, tandis que ses collègues restaient silencieux, préférant la sécurité de l’emploi.
Un jour, alors qu’il s’apprête à prendre son service, Paul se retrouve face à deux employés qui lui barrent la route. Le directeur lui crie alors « Ça prendra tout le temps qu’il faudra mais tu finiras par abandonner et démissionner. Je ne suis pas humain, je suis un zombie. ». Sous le choc, Paul prend plus d’une heure à regagner son domicile. Une fois arrivé, il fera une crise d’angoisse pour la première fois de sa vie…
« Je me suis sentie comme du bétail »
Johanna, elle, faisait partie de ces employés que les supérieurs aimaient envoyer en caisse. La raison? Ils se servaient de sa poitrine généreuse pour appâter les clients. En moins d’une année passée à McDonald’s, la jeune femme va vivre un véritable cauchemar. « Le médecin m’a diagnostiqué une dépression et des troubles anxieux » , explique-t-elle à Street Press.
Tous les jours, la jeune femme devait faire face aux commentaires sexistes des clients et de ses supérieurs. Elle se souvient notamment de cette bande de jeunes qui, alors qu’elle faisait du service en salle, lui a lancé « T’aimes bien servir les plateaux grosse chienne. ». Sous le choc, elle a immédiatement alerté sa directrice qui s’est contenté de lui rire au nez. Johanna lui soumet l’idée de prendre un vigile, chose qu’elle refuse. Pourtant, l’équipe est composée à 80% de femmes, et ces dernières ne se sentent pas en sécurité.
Le manager, pour sa part, multiplie les commentaires sexistes. Un jour, elle a surpris une conversation entre son manager et une autre personne. Ce dernier affirmait « choisir les salariées à fortes poitrines pour les caisses afin d’attirer les clients. ». A ce moment-là Johanna, qui elle aussi possédait une forte poitrine, s’est sentie comme « du bétail ». Là encore elle s’est plainte à la directrice qui n’a pas réagi. Au bout de quelques mois, le médecin finira par l’arrêter et elle ne remettra plus les pieds dans le fast-food.
« Comme des macs à leurs prostituées »
Une autre employée, Myriam, compare l’attitude des managers avec les employées comme celle des macs avec leurs prostituées. « Les jupes qu’on nous donne sont tellement serrées et coupées de sorte que quand on monte les escaliers, on voit tout ce qui se passe en dessous » , se souvient-elle. « Moi je voyais surtout des managers qui hurlaient depuis le bout du comptoir : Allez souriez ! ou Toi t’as pas mis de rouge à lèvres. Comme des macs à leurs prostituées. » , analyse-t-elle.
Selon le psychologue Jean-François Marmion « McDonald’s craint qu’on associe les kilogrammes en trop de ses salariés aux produits qu’il vend, redoutant ainsi qu’on se dise qu’ils font grossir ». Ana, 25 ans, a travaillé dans un restaurant McDonald’s situé en Île-de-France. En surpoids, elle n’a pas passé une seule journée en caisse. Dès son arrivée, elle a pris la suite d’une autre employée, également en surpoids, au service frites.
D’autres témoignages recueillis permettent de se rendre compte que le poids n’est pas le seul facteur à influer sur le poste occupé ou sur les promotions obtenues. Les traits du visage seraient eux aussi pris en compte par les supérieurs hiérarchiques. « Il est entré dans les mentalités qu’une femme est censée faire des efforts de coquetterie, être plus présentable qu’un homme au travail. En entreprise, on demande à un homme d’être performant, d’être dynamique, d’être un leader, qu’on puisse se fier à lui. On lui demande moins d’être beau. » , explique le psychologue à Street Press.
Les manageurs obligés de lyncher leurs équipiers
Mais les équipiers ne sont pas les seuls à se plaindre de la politique de McDonald’s. Certains supérieurs eux aussi sortent du silence et dénoncent les pratiques de la filiale. Jennifer, 40 ans, a été manager dans un restaurant McDonald’s. Elle se souvient encore de ce système de harcèlement et de discrimination qu’on a essayé de lui inculquer une fois qu’elle a accédé à son poste. « Mon directeur m’ordonnait clairement de lyncher mes équipiers. Il me disait : Allez, je te fais confiance, défonce-les, défonce-les. Ils n’ont pas à t’aimer. Plus ils vont te détester, mieux ce sera. » , rapporte-t-elle.
Malgré la pression de son directeur, elle se refuse à adopter une telle attitude avec ses employés. « Quand il a commencé à voir que j’étais trop proche de mes équipiers, il a commencé à me lyncher moi aussi. » , se rappelle-t-elle. Après 3 mois de période d’essai, Jennifer sera finalement remerciée par la hiérarchie.
« On fabriquait des sanctions, on créait des fautes »
Martine Guagliardo a autrefois été responsable juridique chez McDonald’s. Elle est aujourd’hui « rongée par les remords » comme le rapporte Street Press. Aujourd’hui, elle a tellement honte des méthodes qu’elle a pu employer afin de licencier des employés gênants qu’elle conserve encore tous les dossiers des affaires qu’elle a portées en justice.
« Quand des gens ne plaisaient pas à la hiérarchie, on fabriquait des sanctions, on créait des fautes » , avoue-t-elle. « On les espionnait avec parfois des caméras illégalement posées dans les salles de pause » , poursuit Martine. Les employés qui avaient le malheur d’évoquer ne serait-ce qu’une fois un manquement au droit du travail se voyaient « dégagés ». « J’ai gagné en justice avec des preuves véreuses. J’en suis malade. « .
Elle se souvient notamment d’Abdelkader, ce manager que la filiale trouvait trop proche des employés. Bien qu’elle ait essayé de le contacter plusieurs fois pour s’excuser de l’avoir fait renvoyer, il refuse toujours de lui parler. Pour se débarrasser de lui, la hiérarchie est allée jusqu’à faire témoigner une mère de famille qui bénéficiait d’horaires aménagés. Se sentant coincée, cette dernière a finalement consenti à effectuer un faux témoignage contre son manager.
Après cette affaire, Martine réalise que les pratiques employées par la filiale sont odieuses. Petit à petit, elle s’éloigne de la hiérarchie et devient « la cible à abattre ». Elle a également été victime d’une agression sexuelle par son patron. Alors qu’ils se trouvaient seuls tard le soir au bureau, ce dernier s’est dirigé vers elle pantalon et caleçon baissés. Assise de dos, face à son bureau, elle ne l’a pas senti venir. Il lui a alors pris la main et l’a posé sur son sexe avant de jouir.
« J’ai fini par peser 32 kg et j’ai pensé au suicide » , rapporte Martine. Malgré les conditions de travail de plus en plus difficiles, elle tient bon. « Je n’ai pas voulu abandonner les salariés. J’en ai sauvé. À la fin, si un salarié partait d’un des restaurants, du jour au lendemain, c’est qu’il n’allait pas bien, j’allais le trouver chez lui. Je ne voulais pas les laisser disparaître ». En 2007, elle est définitivement écartée après que la médecine du travail l’ait jugée pour « inaptitude de poste ».
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Source: Street Press