« Être une femme n’est pas un ressenti » : le féminisme est-il transphobe ?
Depuis plusieurs mois déjà, la question du rapport entre le féminisme et la transidentité est centrale. En effet, la place des personnes transgenre dans la lutte féministe est très discutée par certaines leaders du mouvement féministe qualifiées de TERF.
A lire aussi: Féminisme : Qu’en pensent vraiment les hommes ?
« Suffit-il de s’autoproclamer femme pour pouvoir exiger d’être considéré comme telle ? »
Le 18 février dernier, une tribune intitulée « Trans : suffit-il de s’autoproclamer femme pour pouvoir exiger d’être considéré comme telle ? » est parue sur le site de Marianne. Certaines militantes, outrées, ont dénoncé le caractère transphobe des propos tenus dans cette tribune. Sur le site La vie en queer, LVEQ expliquait déjà en 2018 pourquoi les personnes transgenre étaient souvent exclues du mouvement féministe.
Le problème viendrait à l’origine de la définition qu’ont les TERF (Trans-exclusionary radical feminist) de la femme. Selon ces dernières, seule une personne « née femme et socialisée comme telle » peut s’identifier à une femme. Ainsi, le genre ne serait pas un ressenti (comme pour les personnes transsexuelles) mais une condition sociale.
Marguerite Stern remet en question la place des personnes trans dans les débats féministes
Marguerite Stern, activiste féministe à l’origine du mouvement des collages contre les féminicides, a donné son avis sur le transactivisme en janvier dernier sur Twitter. Selon elle, cette lutte et les débats qu’elle engendrait prenait « de plus en plus de place dans le féminisme, et cristallisent même toute l’attention ». « J’interprète ça comme une nouvelle tentative masculine pour empêcher les femmes de s’exprimer » , avait-elle alors affirmé.
Selon CheckNews, la jeune femme reprochait au transactivisme de renforcer les stéréotypes de genre. « J’observe que les hommes qui veulent être des femmes se mettent soudainement à se maquiller, porter des talons » , avait-elle expliqué. « Elles viennent coloniser le débat féministe en ramenant tout à elles » , a-t-elle tout bonnement affirmé dans ses tweets.
Portez des robes, des talons et des perruques, maquillez vous, si vous voulez. Je n'irai pas crier à l'appropriation culturelle, mais ne venez pas dire que vous êtes des femmes. de la même façon que je n'aurais jamais l'indécence de brunir ma peau en déclarant que je suis noire.
— Marguerite Stern (@Margueritestern) January 22, 2020
« Je considère que le mouvement a été dévoyé » , explique-t-elle en revenant sur le mouvement des collages contre les féminicides. En effet, l’activiste a pris connaissance d’une publication Instagram du compte « Collages féminicides Montpellier ». Ce dernier appelait à l’inclusion des personnes transgenre dans la lutte féministe. Selon elle, cette demande constitue un « dévoiement » de l’action initiale.
« Être une femme n’est pas un ressenti »
C’est exactement le même discours que tenaient les autrices de la tribune publiée dans Marianne. Selon elles, une femme doit avant tout avoir un sexe biologique dit féminin. « Être une femme n’est pas un ressenti. Cela correspond à une réalité physiologique très spécifique et à un vécu social tout aussi spécifique. (…) Ce statut repose sur la réalité de notre corps » , pouvait-on lire.
« Si les ‘femmes trans’ sont considérées comme des femmes, quel que soit leur corps ou leur apparence physique, alors le mot ‘femme’ s’applique à qui le souhaite, même à des personnes ayant un corps et une apparence d’homme » , argumentent les signataires de la tribune.
Des féministes inclusives s’expriment
En face, on retrouve tout de même des féministes inclusives qui elles soutiennent les femmes transgenre. Selon elles, les femmes transgenres subissent tout autant les interjections patriarcales que les femmes cisgenres comme le rapporte RTL. « Cela revient à créer une hiérarchisation, et automatiquement, une domination, voire une oppression, au sein d’une communauté opprimée » , explique d’ailleurs la journaliste Morgane Giuliani.
« On remet encore en débat le vécu des gens » , a déclaré la journaliste Rachel Garrat-Valcarel à CheckNews. « Il existe évidemment un continuum entre le fait de dire que les femmes trans ne sont pas des femmes et les agressions de femmes trans dans l’espace public » , a-t-elle poursuivi.
Suite à ces débats, des militants trans ont lancé le hashtag #NotreExistenceNestPasUnDébat pour dénoncer la transphobie véhiculée par la tribune.
Respecter l'existence de chaque être humain est la base des droits humains.
Les femmes trans existent et sont des femmes.
Les hommes trans existent et sont des hommes.
Les personnes intersexes et non-binaires existent et se définissent comme iels le souhaitent. pic.twitter.com/NkCG2tFFF7— Fable (@Fables_21e) February 19, 2020
A lire aussi: Féminisme, couleur de peau ou homosexualité : si l’année 2020 se plaçait sous le signe de l’ouverture d’esprit ?