Les actes de féminicide ont atteint le cap des 50 victimes en France ! Ne fermons pas les yeux
« Une femme est morte d’un crime passionnel » , « Tuée car son mari ne voulait pas qu’elle sorte en jupe » . Tant de titres qui inondent de plus en plus la presse quotidienne. Crime passionnel ? Ou pour asseoir sa masculinité profonde face à l’abandon de la femme, encore considérée comme « trop faible » ? Eh non, ces crimes ont un mot : le féminicide. Et en ce mois de mai, il est déconcertant de constater que 51 femmes sont mortes en raison de leur condition féminine, depuis le 1er janvier 2019.
Le cap des 50 féminicides franchi en France : le décompte inquiétant
Quand on vous parle de féminicide, certains pensent que le terme est « un peu trop fort » pour dénoncer le crime fait sur une femme. En 1976, Diana Russel, une sociologue américaine, invente le terme de « féminicide » pour définir « le meurtre de femmes commis par des hommes parce que ce sont des femmes » . Depuis le 1er janvier 2019, 51 femmes sont mortes, a priori sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints. Des chiffres que le collectif « Féminicides par compagnons ou ex » recense avec regret. Et attention, on vous parle bel et bien de meurtre de femmes commis par un conjoint ou ex-conjoint par jalousie, possession, refus de l’abandon ou simple furie passagère. Simple ? Oui. Cruel ? Très certainement. En 2018, c’est environ 120 femmes qui ont été tuées par leur compagnon ou ex. Le collectif « Féminicides par compagnons ou ex » a pris le parti de recenser ces crimes, en s’appuyant sur les récits et titres de la presse quotidienne française. Récemment, #NousToutes a rejoint le mouvement afin de renforcer la lutte et toucher le plus de monde possible face au danger qu’affronte certaines femmes.
51ème féminicide. Marie-Alice Dibon a été assassinée par son ex-conjoint.
De nombreuses mesures permettraient de faire reculer ces violences. @EmmanuelMacron, @EPhilippePM pourquoi aucun plan d'urgence n'a encore été déclenché ?https://t.co/xKTW1GILVx
Source : @feminicidesfr pic.twitter.com/mY8Iv4cStu— #NousToutes (@NousToutesOrg) May 8, 2019
Des récits aussi effroyables que déconcertants
Sur sa page Facebook, le collectif fait le compte des femmes victimes de l’emprise de leur conjoint ou d’un ex-conjoint. Et loin d’être une partie de plaisir, le nombre de féminicide ne cesse d’augmenter et les posts continuent d’augmenter. La presse n’est pas au bout de ses peines puisque chaque semaine, de nouveaux articles apparaissent pour présenter un chiffre toujours plus important, à travers des récits toujours plus effroyables. Comme celui de Martine Lespinasse, le dernier en date, qui a été poignardée 40 fois dans l’appartement de son ex-compagnon à l’âge de 64 ans. Cet événement regrettable fait de la femme la 51ème victime de féminicide depuis le 1er janvier 2019. « On était à un décès tous les trois jours, cette année on est plutôt à un tous les deux jours » explique Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de grande instance de Pontoise.
Crime passionnel ? Non ! Féminicide ? Oui !
En général, la presse titre ces événements macabres par « Crime passionnel » ou « par jalousie ». Des faits vrais, en soi. Mais nommons l’acte comme il se doit : un féminicide. Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale Solidarité Femmes, se désole face à l’augmentation des victimes, comme le rapporte France Inter. Mais cette dernière tient à apporter des précisions sur le féminicide qui n’implique pas un acte soudain, mais également des violences qui remontent parfois à plusieurs années : « On entend souvent que le crime est passionnel, que la jalousie a entraîné une pulsion. Mais nous, qui nous portons partie civile régulièrement dans ces drames, nous nous apercevons que l’histoire des violences, remonte souvent à bien des années, avec une aggravation des situations de violence qui va crescendo. Donc ces situations de violence préexistent au féminicide » . Des violences passées et des femmes bien trop souvent apeurées pour en parler. Et dans ces cas de féminicides, les femmes âgées sont parfois mises de côté, comme le dénonce le collectif oeuvrant contre le féminicide. Les femmes âgées et malades tuées par leur conjoint sont moins perçues comme des victimes, en vue d’un « service rendu » à la femme, à la fois âgée et malade. Aberrant, non ?
Le collectif « Féminicides par compagnons ou ex » engagé pour le changement
Contacté par le Tribunal du Net, le collectif se dit engagé pour que les femmes soient mieux protégées et œuvre pour rétablir les distinctions entre les crimes dits « passionnels » et ce qui pourrait être qualifié comme un « crime possessionnel » . Selon une bénévole du collectif, « le crime passionnel est une excuse moyenâgeuse utilisée par les hommes pour se faire pardonner de leurs actes. Et aujourd’hui, cette excuse est encore utilisée dans les plaidoiries. Mais ce n’est pas un crime passionnel, c’est un crime possessionnel » . Et la distinction est importante pour le collectif, mais également pour certaines féministes qui oeuvrent pour le droit et la protection des femmes. En effet, l’homme ne serait plus seulement dans un sentiment de jalousie mais dans un refus de voir partir la femme. « C’est quand elle quitte ou veut quitter le foyer que l’homme passe à l’acte, le plus souvent » nous explique la bénévole. Depuis 3 ans, le collectif fait le décompte des victimes ayant été tuées en France, après avoir exprimé son envie de quitter son conjoint ou lorsqu’elle était en plein conflit avec un ex-conjoint.
Un bracelet électronique pour les hommes violents ?
Un numéro existe pour les femmes victimes de violences conjugales (3919). Et sur cette ligne, c’est environ 90% de femmes victimes de violences conjugales qui appellent. Les victimes, mais aussi les proches peuvent appeler pour obtenir des conseils, être rassurés ou élaborer une stratégie de départ. Pour le collectif « Féminicides par compagnons ou ex », ce numéro est utile mais pas suffisant, surtout dans le cas des femmes en grand danger. Mais une solution pourrait exister : le bracelet électronique. Gwenola Joly-Croz et Éric Corbaux, procureur de Pontoise, veulent expérimenter un « dispositif électronique de protection antirapprochement » . Un dispositif déjà existant dans plusieurs pays d’Europe, dont l’Espagne, et qui aurait fait ses preuves selon le site TV5monde. Cependant, le collectif aimerait que d’autres solutions soient apportées : « Si la femme doit également porter un bracelet qui l’alerte lorsque son ex-conjoint s’approche trop d’elle, ça ne ferait qu’alimenter sa peur. Il faut que la police soit immédiatement alertée » explique une bénévole.
Selon le collectif et de nombreuses associations, le gouvernement doit renforcer la protection des femmes face aux conjoints ou ex-conjoints violents. Mettre une femme en danger par votre puissance ne la rendra pas plus amoureuse, mais certainement beaucoup plus malheureuse.