Doliprane, c’est fini ? L’inquiétude grandit
L’avenir de Doliprane, l’un des médicaments les plus emblématiques de France, est aujourd’hui au cœur des débats. Sanofi, géant pharmaceutique français, envisage de céder une partie de son activité au fonds d’investissement américain CD & R.
Une nouvelle qui a déclenché un véritable tollé chez les syndicats et la classe politique, inquiets pour la souveraineté sanitaire du pays et les emplois locaux. Retour sur une situation tendue, où l’État semble décidé à prendre les choses en main.
Un comprimé iconique dans les foyers français
Le Doliprane, pour beaucoup de Français, c’est plus qu’un médicament : c’est un symbole de soulagement et de sécurité. Utilisé pour traiter les maux de tête, les douleurs et la fièvre, ce comprimé jaune vif a su s’imposer comme le choix de référence pour des millions de foyers. Lancé en 1964 par Rhône-Poulenc, l’ancêtre de Sanofi, il a accompagné des générations de familles, traversant les décennies comme une valeur sure dans les armoires à pharmacie.
Mais derrière cette success-story pharmaceutique, se cache une réalité industrielle et stratégique. Le Doliprane n’est pas simplement populaire, il est également un acteur central de la souveraineté sanitaire de la France.
En effet, les périodes de pandémie et les crises d’approvisionnement ont révélé combien il était crucial de maintenir une fabrication locale de médicaments essentiels, comme le paracétamol. Pour l’État français, il ne s’agit donc pas cependant de préserver une marque, mais aussi de garantir l’accès continu à un produit indispensable pour la santé publique.
C’est pourquoi toute tentative de vente à un groupe étranger, de la même manière que celle actuellement envisagée avec le fonds américain CD & R, est perçue comme un danger potentiel pour la souveraineté sanitaire nationale.
Si le contrôle de la fabrication locale du Doliprane échappait en partie au territoire, la France se retrouverait dans une position délicate en cas de nouvelles tensions d’approvisionnement. « Nous devons protéger notre capacité à fournir nationalement des médicaments essentiels », souligne un représentant de l’État.
Sanofi et doliprane : une relation menacée ?
Doliprane, produit phare de la gamme de médicaments de Sanofi, est depuis des décennies synonyme de soulagement pour des millions de Français. Mais cette tranquillité d’esprit pourrait être bouleversée par l’annonce récente de la vente d’une partie de l’entité Opella, qui commercialise notamment le Doliprane.
C’est le fonds CD & R, basés aux États-Unis, qui pourraient en devenir le principal actionnaire, suscitant des craintes autour de l’avenir du médicament et de son accessibilité.
Le groupe Sanofi a tenu à préciser que cette vente ne serait pas « sèche » : il conserverait 50 % du capital, assurant une certaine continuité. Pourtant, malgré cette promesse, l’inquiétude reste palpable chez les employés et leurs représentants.
« Notre première requête, c’est restons Sanofi ! », a martelé Johann Nicolas, délégué syndical CGT à Lisieux. Pour lui, et pour beaucoup, l’option d’un repreneur américain ressemble à une trahison envers les salariés et la souveraineté nationale.
Une mobilisation politique et syndicale forte
Face à ces inquiétudes, les réactions ne se sont pas fait attendre. Le ministre de l’Économie Antoine Armand et le ministre délégué à l’Industrie Marc Ferracci se sont déplacés à l’usine de Lisieux, où est fabriqué le Doliprane, pour entendre les préoccupations des salariés.
Une trentaine de personnalités politiques et syndicales étaient présentes pour montrer leur soutien, appelant à des garanties claires sur le maintien des emplois et de la production en France.
Antoine Armand a assuré que des discussions étaient « entamées » avec toutes les parties prenantes pour obtenir des engagements précis, assortis de sanctions en cas de non-respect. Selon lui, l’État pourrait même envisager un rôle direct dans la gouvernance d’Opella via un actionnariat public. Une mesure qui témoigne de l’importance que revêt ce dossier pour la souveraineté sanitaire du pays.
Les syndicats, de leur côté, appellent à maintenir la pression. Un rassemblement est d’ailleurs prévu sur le site de Compiègne, en présence de personnalités politiques, afin de renforcer la visibilité de leur lutte. « Si le gouvernement ne met pas les mains là-dedans, je ne sais pas comment on va s’en sortir », a déclaré Johann Nicolas.
Sanofi défend son projet et rassure
Malgré les critiques, Sanofi défend fermement son plan. Le président du conseil d’administration, Frédéric Oudéa, a rappelé que cette cession permettrait la création d’un « champion mondial de la santé grand public » basé en France. Un projet ambitieux qui, selon lui, garantirait la place du Doliprane sur le marché, tout en conservant une empreinte industrielle en Normandie.
Sanofi insiste également sur le fait que cette opération serait synonyme de croissance, ouvrant de nouvelles opportunités pour Doliprane sans compromettre sa présence dans les pharmacies françaises. Frédéric Oudéa a affirmé : « Nous gardons 50 % du capital. Ce n’est pas une vente sèche. » Une manière de dissiper les doutes sur une éventuelle perte de contrôle totale de ce produit emblématique.
Toutefois, l’expérience récente des tensions d’approvisionnement en paracétamol laisse sceptiques certains observateurs. Les syndicats exigent que les promesses de Sanofi se traduisent par des actes concrets, notamment sur la pérennisation de l’exploitation et de l’emploi sur les sites de Lisieux et de Compiègne, et ce pour le long terme.
Sanofi met aussi en avant sa responsabilité vis-à-vis de l’écosystème industriel et des sous-traitants impliqués dans la fabrication du Doliprane. Selon Marc Ferracci, le maintien des volumes de production en France est un engagement clé, et il ne saurait être question de réduire cette activité essentielle pour des raisons de rentabilité immédiate.
Une décision qui fait écho à la souveraineté sanitaire
La question de la souveraineté sanitaire a pris une importance majeure en France, notamment depuis la pandémie de COVID-19. Les difficultés rencontrées pour obtenir des médicaments et autres produits essentiels ont révélé la vulnérabilité des chaines d’approvisionnement mondiales.
Dans ce contexte, Doliprane incarne un pilier de la sécurité sanitaire nationale. En effet, la France dépend largement de la fabrication locale de cet acétaminophène pour garantir des stocks suffisants en toutes circonstances.
C’est pourquoi toute menace d’externalisation de cette production provoque des réactions vives et immédiates. Pour Emmanuel Macron, préserver l’autonomie passe par la protection de l’industrie pharmaceutique française.
Ainsi, même si Sanofi conserve 50 % des parts d’Opella, l’État veut s’assurer que cette alliance avec un fonds étranger ne compromettra pas la capacité de la France à subvenir à ses besoins en paracétamol. L’idée d’un actionnariat public, évoquée par Antoine Armand, pourrait d’ailleurs se concrétiser si le dialogue avec CD & R n’aboutissaient pas à des garanties satisfaisantes.