Mort d’Anny Duperey : l’actrice prête à en finir avant l’impensable
Derrière son tendre regard bleu azur, Anny Duperey tente de cacher sa sensibilité. Or, quand elle éprouve un coup de cœur, de la colère, ou bien du chagrin, ses admirateurs de la première heure le ressentent quasi instantanément. C’est pourquoi, à presque 78 ans, elle se sent plus que jamais à la croisée des chemins. N’ayant plus rien à prouver à ses pairs, elle remet tout en question, y compris son quotidien.
Une enfance douloureuse

Jusqu’à ses 8 ans et demi, Anny Duperey est une petite fille insouciante. Fille de photographes de renom, elle réside avec eux dans un petit village de Normandie où tout le monde se connait. Hélas, début novembre 1955, son conte de fées va se transformer en cauchemar éveillé.

Pour résumer le drame, rien de tel que les mots d’Anny Duperey. « J’ai trouvé mes parents morts, ce qui est un deuil et en même temps un traumatisme. Puis, on m’a immédiatement séparée de ma soeur (de cinq mois) » . Empoisonnés par du monoxyde de carbone, le couple se trouvait alors dans la salle de bains. L’enquête déterminera ensuite qu’un chauffe-eau au gaz défectueux ainsi qu’une ventilation de la pièce insuffisante seraient les causes de la tragédie.

Dès lors, au lieu de place leux sœurs Legras dans une famille d’accueil, la famille décide de se charger de l’éducation des fillettes. Du côté de son père, la grand-mère tante paternelle et la tante se chargent de l’aînée. En hommage, elle utilisera le nom de famille de son grand-père (Duperray) pour façonner son nom d’artiste.

On l’a compris, sans avoir besoin de dessin, de son côté, Patricia part vivre avec la famille de leur mère. Du propre aveu d’Anny Duperrey, cette double séparation possède tous les ingrédients d’une une « catastrophe ». Tout le long de son existence, la sœur cadette de l’actrice « a vécu le cœur serré au point que ça a fini par l’emporter ». Elle avait 54 ans.
QUID de la carrière hors-norme d’Anny Duperey
Sur les planches

Sur le CV d’Anny Duperey, le mot conservatoire revient à deux reprises. D’abord, elle fait celui de sa ville natale, Rouen, puis réussit à rentrer ans le prestigieux établissement parisien en 1967. À peine majeure, elle passe avec brio les auditions pour plusieurs pièces.

Au cours d’une des soirées d’après représentation, Anny Duperey croise la route de ses futurs mentors, Jean-Louis Barrault et de Madeleine Renaud. Conscient de son talent, le couple lui propose d’intégrer leur troupe. Pendant environ une décennie, elle va enchainer les tournées et les projets.
Au cinéma

Dans le même temps, elle décroche plusieurs petits rôles au cinéma, notamment auprès du mythique réalisateur Jean-Luc Godard. Néanmoins, selon les experts, Sous le signe de Monte-Cristo est son premier grand succès.

Très vite, tout va s’enchainer pour Anny Duperey puisqu’elle donne la réplique à des monstres sacrés tels que Jean-Paul Belmondo ou encore Jean Rochefort. En 1977, elle est nommée aux Césars de la « meilleure actrice dans un second rôle ». Pas amère et encore moins triste, elle réjouit pour son collègue Claude Brasseur puisqu’il repart avec le précieux sésame dans sa catégorie. Ironie du sort, cette année, une autre Annie (Girardot) emporte le trophée de la meilleure actrice. !
A la télévision

Au début des années 90, Anny Duperey accepte d’enfiler le costume d’une mère de « famille formidable ». Dès lors, les Français ne vont pas perdre une miette des aventures de cette tribu pas comme les autres. Aussi, après plusieurs dizaines de saisons aux épisodes cultes et un quart de siècle dans la peau de cette femme, elle déclare que découvrir « l’évolution de son personnage a été un choc » Comble de l’horreur, le créateur de la série meurt. Dévastée par la perte de ce complice, elle déclare que « continuer sans lui était impossible » pour elle ainsi que le reste de l’équipe.
Des livres

Rien de tel que les mots pour exorciser les maux de l’âme. Du reste, depuis le décès de ses parents, Anny Duperey a pris l’habitude de se confier à son journal intime. Ce « geste consolateur » va peu à peu apaiser ses angoisses et éloigner ses démons. Preuve étant, dans son autobiographie Le voile noir, elle dresse le bilan des passages les plus sombres de son existence.

Du côté de ses admirateurs anonymes ou célèbres, on valide son don et on le récompense. Par exemple, son tout premier roman L’Admiroir décroche le prestigieux prix de l’Académie française.
Après les mots, les photos

A l’instar de Nikos Aliagas, Anny Duperey adore faire des portraits en noir et blanc. D’abord, elle demande à des ami(e)s artistes de prendre la pose. Très vite, elle décide de passer à l’étape supérieure en allant à la rencontre de personnes incarcérées.

Juste avant la pandémie, Anny Duperey fait un clin d’œil à ses chers disparus. En effet, le fait qu’elle baptise son exposition « Filiation » est tout sauf le fruit du hasard. Preuve étant, sur les 110 photos de sa propre production, elle rajoute des clichés de sa regrettée sœur partie dix ans auparavant, mais aussi, de feu leur père.
Anny Duperey est une femme engagée

Que c’est compliqué de résumer son rôle d’ambassadrice de l’association Le Rire médecin. Plus bienveillante et humble que jamais, Anny Duperey déclare. « Vous amenez l’humour au milieu de la rigueur médicale, la fantaisie pour alléger la douleur, des plaisanteries pour leur dire que la vie ne fait pas que des mauvaises blagues, de la musique pour rêver, et des couleurs pour leur rappeler qu’il y a des fleurs et des choses gaies au-delà des murs gris.»

Dans le même temps, Anny Duperey s’investit et devient la marraine de SOS village d’enfants. Hélas, une sombre polémique va mettre fin à cette aventure.

Pour rappel, alors qu’elle donnait un entretien banal sur RTL, Anny Duperey s’exprime sur l’affaire Judith Godrèche. « Je vais me faire taper dessus, mais je pense que tout cela est extrêmement exagéré. Six ans avec un réalisateur, sous emprise je veux bien, mais quand même consentante non ? ». Très vite, un tsunami médiatique se déclenche sur la Toile. Forcée de s’excuser, l’ex de Bernard Giraudeau rétropédale.« Je tiens à exprimer mes excuses à Judith Godrèche et à toutes les victimes que mes propos maladroits ont heurtées. Je regrette que ma première réaction n’ait pas été de condamner l’inexcusable2 ». Hélas, le mal est fait puisque la présidente de l’association tire la sonnette d’alarme. Dix jours après, d’un commun accord, décision est prise de mettre fin à son contrat.
C’est l’évidence, chez les artistes ou les restaurateurs, la crise sanitaire a provoqué d’immenses dommages collatéraux. Fermetures, licenciement en masse, dépôts de bilan et parfois même suicides, il y a eu un avant et après Covid. Or, au sein même du personnel soignant, le vaccin ARN messager divise. Après avoir décidé d’exclure celles et ceux qui refusaient de donner l’exemple, l’administration va mettre plusieurs mois avant de donner son feu vert pour les réintégrer. Profondément choquée, Anny Duperey n’hésite pas à voler à leur secours.
Qui sont les hommes de la vie d’Anny Duperey ?
Francis Perrin

Lorsqu’elle apprend qu’elle va donner la réplique à Francis Perrin, Anny Duperey se garde bien de raconter leur courte romance. Néanmoins, lors des répétitions, elle confie à sa collègue que « certaines répliques risquent d’être difficiles à tenir ». Et pour la cause, la thématique de l’adultère, ils la maitrisent sur le bout des doigts. Qu’on se rassure, aujourd’hui, ils sont plus complices que jamais !
Bernard Giraudeau

Ce n’est pas en France mais aux États-Unis que le coup de foudre a eu lieu. Pour le définir, la concernée dira que « C’était à mi-chemin entre une rencontre amoureuse et une complicité de comédiens» Pendant les 18 ans qui vont suivre, ce couple glamour va bâtir les fondations de leur amour.

D’ailleurs, quelque temps plus tard, Anny Duperey découvre les joies de maternité. D’abord, avec Gaël en 1982 puis Sara en 1985. Du reste, ces deux-là semblent avoir hérité d’une partie des gènes artistiques de la famille. Tous les deux passionnés par les planches ou le cinéma, ils tiennent cependant à remercier leurs parents dès qu’ils le peuvent. Ainsi, Molière en main, en 2008, cadette va dédier son trophée et saluer le courage de cette femme qui « malgré les torrents fracassants de son enfance, a réussi un envol majestueux« .

Lorsqu’elle officialise la séparation, elle brise peu à peu le silence sur l’attitude de son ex et les raisons qui l’ont encouragé à s’en séparer. « Bernard était un homme très difficile, qui n’aimait pas le bonheur (…) Il trouvait que c’était chiant, enrageait de tout. En somme, il était très négatif tout le temps.» En 2022, elle dévoile la réaction intrigante des proches. « Tout le monde a fait semblant que non, je n’avais pas quitté Bernard. » Décédé d’un cancer en 2010, il garde une place spéciale dans son cœur.
Cris Campion

Malgré leur différence d’âge, Anny Duperey va avoir un coup de cœur pour son confrère, Cris Campion. C’était sur le tournage d’un film sur Charlemagne. Pendant au moins dix ans, voire un peu plus, ces deux-là vont défier tous les pronostics et savourer chaque seconde de leur romance. Cependant, comme toujours, le caractère solitaire de la comédienne va avoir le dernier mot. Fière et exigeante, elle estime n’avoir besoin de personne pour avancer, mais aussi paradoxal que cela puisse paraitre, elle n’a aucun regret.
QUID des pépins de santé d’Anny Duperey

Le 4 septembre 2017, Anny Duperey sort de ses gonds. Dans une lettre adressée au Ministère de la Santé de l’époque Agnès Buzin ainsi qu’une copie envoyée à la presse, la comédienne décrit son cauchemar sanitaire. Depuis qu’elle a pris ses premiers cachets de la nouvelle formule du Levothyrox, rien ne va plus. Après avoir précisé que son pharmacien l’avait prévenu, mais qu’elle n’y hélas pas prêtée attention, elle persiste et signe. « Des malaises très inquiétants sont alors apparus en rafale. Pas une seconde, je n’ai pensé qu’ils étaient la conséquence ! Aucune méfiance ! Ce n’est que lorsque j’ai lu la pétition mise en ligne dernièrement que j’ai compris ce qui se passait… »

Cette fameuse pétition à laquelle Anny Duperey fait référence dans son courrier va récolter plus de 20 000 signatures. Dès lors, une série de manifestations, d’analyses du médicaments, de réunions, de menace de procès vont tenter de faire avancer le débat. Et bien entendu, on peut compter sur elle tout le temps, surtout quand il s’agit de s’afficher aux côtés des malades !

Sans doute échaudée par cette expérience, Anny Duperey évoque son envie de « partir avant d’être un poids ». Afin de se justifier sur son choix, elle précise qu’elle « tient de ma famille justement, cette chose qui n’a jamais été clairement dite, mais qui est transmise par imprégnation naturelle : ne jamais dépendre de personne pour me faire vivre». Celle qui a été élevée par deux femmes a donc toujours voulu partir en première, mais qui a aussi une peur panique de l’abandon, balaie les critiques d’un revers de la main. N’en déplaisent aux membres de leur comité de soutien !

Que ses fans se rassurent, elle ne compte néanmoins pas stopper nette sa carrière. Celle qui approche à grands pas du changement de dizaine n’a pas du tout « envie d’arrêter. Vous savez, ça aide beaucoup à rester en forme, de jouer, de monter sur scène. On a une obligation de s’entretenir, d’être en forme, pour pouvoir jouer en public.» D’humeur poétique, elle compare sa motivation ou sensation d’adrénaline à « un corset extraordinaire qui vous tient en vie». Pourvu que ça dure le plus longtemps possible !