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« Tout nu dans son lit, les mains attachées, dans son urine » : Stéphanie Bataille dénonce le traitement inhumain dans les établissements hospitaliers (vidéo)

Publié par Camille Lepeintre le 30 Mar 2022 à 11:34

La comédienne Stéphanie Bataille, a perdu son père, Étienne Draber, illustre acteur des Sous-doués, lors de la première vague de l’épidémie du COVID-19. Un traumatisme pour elle, qui n’a pas pu accompagner son père dans ses derniers moments de sa vie. Interdiction du droit de visite, corps nus dans des body bag, la directrice du théâtre Antoine à Paris, dénonce le traitement infligé aux victimes du Covid dans son livre Mon histoire, c’est votre histoire, paru en 2021. Elle livre au Tribunal du Net la teneur de son combat pour la dignité des Hommes, dans une interview exclusive.

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La perte douloureuse de son père

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Étienne Draber, 81 ans, célèbre pour ses rôles dans le film Profs aux côtés de Patrick Bruel et Fabrice Luchini ou encore Les Sous-doués, rentre à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, fin décembre 2021 pour une intervention cardiaque. La première vague de Covid s’abat au même moment dans les établissements hospitaliers français. Si l’opération se passe bien, le comédien contracte le virus à une semaine de sa sortie et se voit déplacé dans une unité spécialisée. Le 11 janvier 2021, Stéphanie Draber et son frère apprennent la disparition tragique de leur père, des suites du Covid-19.

La comédienne qui suit désormais les traces de son père dans le cinéma et le théâtre (elle est notamment au casting du film Knock aux côtés d’Omar Sy en 2017), dénonce les conditions inhumaines dans lesquelles son père est parti : « Pendant près de dix jours, il a souffert le martyre, parce que nous, on l’avait au téléphone, on avait le droit de le voir en visio et il nous demandait de le sortir de là où il était, car il voyait la mort arriver. Il nous disait : Sortez moi de là parce que je sens que je vais crever » , raconte la directrice du théâtre Antoine (10e arrondissement de Paris). Si son frère et elle ont pu le voir avant sa mort, ils sont témoins d’une scène insoutenable : « Cet homme, d’une grande dignité, comme tout homme ou comme toute femme, tout nu dans son lit, les mains attachées dans son urine. Est-ce que c’est possible aujourd’hui de traiter les gens de la sorte ? » , dénonce-t-elle.

Etienne Draber

Son combat pour la dignité de tout un chacun

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Stéphanie Draber prend conscience que son témoignage est aussi celui de nombreuses autres victimes qui ont perdu un proche pendant la pandémie et ce, dans les mêmes conditions que son père. Elle décide alors d’hausser la voix et de militer pour la dignité de tous. Stéphanie laisse tomber son nom de jeune fille et prend celui de Bataille, un pseudo qui aujourd’hui lui colle à la peau. Elle écrit un livre Mon histoire, c’est votre histoire dans lequel elle narre non seulement son histoire mais où elle laisse aussi la parole aux familles qui pleurent leur défunt : « C’était une urgence […] c’était indispensable de pouvoir décrire et dire ce qui se passait au moment T, de pouvoir relater cette histoire au plus proche » .

Personnel soignant, proches, les témoignages sont nombreux à déplorer les conditions de vie des malades : « J’ai eu des femmes, des hommes au téléphone et des enfants qui ont été complètement traumatisés par ce qu’ils ont vu ou pas eu le droit de voir » . Avec le Collectif Tenir ta Main, qu’elle a fondé en partenariat avec Laurent Frémont, qui a lui aussi perdu son père pendant la pandémie, ils vont faire lire le 17 mars 2021, 30 témoignages reçus des familles endeuillés, parmi des milliers, à des comédiens de grandes renommées, André Dussollier, Catherine Frot, François Berléand et encore bien d’autres… En plus de faire une proposition de loi au Sénat tendant à créer un droit de visite pour les malades, les personnes âgées et handicapées qui séjournent en établissements, le collectif a également créé un mémorial dédié aux victimes du Covid-19 au sein de l‘Église Saint-Sulpice où les proches peuvent venir y coller la photo de ceux qu’ils ont perdus aux côtés de celle d’Étienne Draber.

Stéphanie Bataille

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« Grâce à son association, on a pu voir que nous n’étions pas seuls »

Fabienne Casteran, 49 ans, a perdu sa maman non pas des suites du Covid mais à cause de l’épidémie. Enfermée dans sa chambre dans une EHPAD, sans possibilités de voir ses enfants et ses petits-enfants, Paulette Cateran a été victime comme beaucoup d’autres patients des maltraitances physiques et morales. Interdiction pour ses proches de venir lui faire un coucou derrière sa fenêtre, une visio tous les 15 jours / 3 semaines, couchée dans son lit du matin jusqu’au soir. Lors d’un séjour à l’hôpital, elle a elle aussi été attachée à son lit, jusqu’à s’en arracher la chair afin d’éviter aux soignants qu’elle ne circule dans les couloirs. Sa fille a dû faire appel au SAED (Structure régionale d’appui qualité et sécurité en santé) de Nouvelle-Aquitaine pour qu’on lui autorise un droit de visite avant que sa mère ne décède. Peu après sa mort, elle livre un témoignage poignant sur Facebook qui sera lu par Stéphanie Bataille et dévoilé au grand public par l’intermédiaire du comédien Gérard Darmon.

« J’ai connu Stéphanie Bataille grâce à l’association « Tenir ta main » sur Facebook. Elle avait lu ce que j’avais publié, et je connaissais aussi son histoire. On a discuté toutes les deux, par téléphone pendant des heures, on était nourri de la même colère » , explique-t-elle. « Grâce à son association, on a pu voir que nous n’étions pas seuls, qu’il y avait beaucoup de gens en détresse, beaucoup de gens malheureux » . Fabienne a déposé la photo de sa maman sur le mur de l’Église Saint-Sulpice. La photo fait également partie du clip du célèbre artiste-auteur-compositeur et interprète Louis Chédid, qui a écrit une chanson « Tenir ta main », pour apporter son soutien à Stéphanie Bataille et pour rendre hommage aux morts du Covid et à leurs familles.

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