Ce légume pourrait disparaitre de nos assiettes
L’artichaut breton, autrefois fleuron de l’agriculture locale, est menacé par une baisse de consommation et des difficultés de production. Le légume n’a plus la cote.
L’artichaut : Un légume délaissé
L’artichaut, ce légume emblématique de la Bretagne, auparavant fierté des agriculteurs et joyau des tables françaises, perd progressivement du terrain. La consommation de ce légume a drastiquement chuté, et les producteurs bretons se battent pour maintenir cette culture traditionnelle en vie. Alors, pourquoi l’artichaut est-il en péril et comment pourrait-il revenir sur le devant de la scène ?
Malgré ses nombreux bienfaits pour la santé, les Français ne consomment en moyenne que 450 grammes d’artichaut par an. Une des principales raisons de ce déclin est la perception qu’il est trop long à préparer et à manger. Entre l’effeuillage laborieux et la cuisson souvent jugée trop longue, beaucoup de consommateurs préfèrent des légumes plus pratiques comme les courgettes ou les patates douces.
Par ailleurs, les habitudes alimentaires des Français ont évolué. Selon une étude de l’IFOP, les repas sont devenus plus rapides et généralement pris sur le pouce. Le temps consacré à la préparation des repas a diminué, les consommateurs recherchant des options plus rapides et faciles à cuisiner. Les plats préparés et la livraison de repas ont pris une place de plus en plus importante dans les modes de consommation, laissant peu de place aux légumes nécessitant une préparation longue comme l’artichaut.
Les agriculteurs, comme Frédéric Leduc de La Gouesnière, sont bien conscients de ces défis. « Heureusement qu’on a des personnes comme les restaurateurs qui nous en prennent toujours parce que sinon, c’est supplanté par la courgette ou la patate douce, » commente-t-il à Franceinfo. Leduc, qui cultive entre 2000 et 3000 artichauts par an, souligne également la concurrence étrangère et la faible rentabilité comme des obstacles majeurs à la survie de cette culture.
La production en berne
La production d’artichauts en Bretagne a chuté de plus de la moitié en dix ans. Cela s’explique par plusieurs crises, mais également par les conditions météorologiques imprévisibles qui retardent généralement les récoltes. La culture de l’artichaut demande un travail manuel intensif, environ 200 heures par an pour une parcelle d’un demi-hectare, contre seulement huit heures pour un champ de céréales.
« 2022 a été une année catastrophique et cette année, on a encore les conséquences des chaleurs et du temps sec« , explique Christian Bernard, 52 ans.
Les agriculteurs doivent donc trouver des moyens innovants pour relancer la consommation de ce légume. Certains, comme le chef cancalais Hervé Mousset, cherchent à réinventer l’artichaut dans des recettes modernes et attrayantes. Dans son restaurant Côté Mer, Mousset prépare des plats alléchants comme le maquereau fumé accompagné de cœur d’artichaut cuit sous vide, donnant ainsi un nouveau souffle à ce légume traditionnel.
Un légume de nostalgie et de patrimoine
L’artichaut n’est pas seulement un aliment, c’est aussi une part du patrimoine breton. Aujourd’hui, près de 70 % des consommateurs d’artichauts ont plus de 60 ans, signe que ce légume est apprécié principalement par les générations plus âgées. Pour les plus jeunes, l’artichaut représente souvent une madeleine de Proust, un souvenir d’enfance partagé en famille autour de la cheminée.
L’histoire de l’artichaut en France est riche et ancienne. Sous Louis XIV, cinq variétés d’artichaut étaient déjà cultivées dans le potager du roi : le » Blanc », le « Violet », le « Vert », le « Rouge », et le « Sucré de Gênes ». En 1810, le « Gros Camus de Bretagne », une variété encore très appréciée aujourd’hui, fait son apparition. Actuellement, les catalogues des grainetiers proposent une petite dizaine de variétés d’artichauts, ce qui est peu comparé à d’autres légumes comme le chou-fleur ou la tomate.
Les variétés violettes, habituellement vendues en bottes, sont les premières à arriver sur les étals dès février, particulièrement prisées dans le sud de la France et en Italie. Ensuite, les gros artichauts ronds dits « charnus », vendus à la pièce et appréciés dans le nord de l’Europe, prennent le relais de mai à novembre grâce à des précocités différentes selon les variétés.
Mais pour assurer la pérennité de l’artichaut, il est crucial de lui redonner une certaine modernité et visibilité. Les producteurs et chefs doivent collaborer pour créer des recettes innovantes qui séduiront les jeunes générations tout en respectant la tradition.
Quel avenir de l’artichaut
L’artichaut breton, bien que menacé, a encore une chance de renaître. Pour cela, il est essentiel de changer la perception de ce légume, de faciliter sa préparation et de promouvoir ses bienfaits pour la santé. Les restaurateurs, les agriculteurs et les consommateurs doivent tous jouer un rôle actif pour sauver ce fleuron de la gastronomie bretonne.
Réinventer l’artichaut passe par des recettes innovantes, une meilleure éducation des consommateurs et une valorisation de ses qualités nutritives et gustatives. En redonnant à l’artichaut sa place dans nos assiettes, nous pouvons préserver une part importante de notre patrimoine culinaire et agricole.