Les animaux peuvent-ils être homosexuels ?
L’homosexualité chez les humains est connue depuis les temps les plus anciens. Certaines pratiques érotiques ont été décrites chez les Grecs avec des auteurs comme Sapho ou encore dans des tournures assez suggestives chez Homère. Dans certaines civilisations japonaises, on raconte les faits d’armes des samouraïs, mais également leurs amours homosexuelles. En France, certains monarques s’affichaient avec leurs mignons et ne comblaient leurs épouses que pour assurer une descendance.
Mais si ces comportements sont observés depuis toujours chez les hommes, qu’en est-il des animaux ? Ont-ils également des pulsions qui les poussent vers des spécimens du même sexe ? Examinons cette tendance sans tabou.
Des démonstrations très anciennes
Il faut tout d’abord revenir sur la notion d’homosexualité qui recouvre, pour les humains tout au moins, un comportement voulu et assumé. Pour ce qui est du monde animal, cette notion d’assentiment est beaucoup moins évidente. Comment savoir ce que les animaux éprouvent comme attirance ? S’agit-il vraiment d’une pulsion ou simplement de comportements de substitution ? Pourtant, en savoir plus sur les pratiques sexuelles des animaux se manifeste dans les sociétés les plus anciennes. Ainsi, des artefacts réalisés entre le VIIe et VIe siècle av. J.-C. au nord de la Chine témoignent de cet intérêt des artistes de la dynastie Zhou pour ces comportements.
Des penseurs comme Aristote, dans son Histoire des animaux, relatent avec force détails des comportements homosexuels chez des animaux assez proches des humains comme des perdrix, des cailles ou encore des coqs. La conclusion est simple et insiste sur les rapports de domination que ces actes mettent en place. Ainsi, au lieu de se battre pour installer sa suprématie, d’autres copulent et montrent qu’ils sont dominants. Plus avant, il suggère que certaines luttes obligent le vaincu à subir un rapport en quelque sorte forcé. On a retrouvé ainsi une plaque sur laquelle on peut distinguer très nettement deux cerfs durant leurs ébats. Néanmoins, si ce constat simpliste est admis, d’autres explications peuvent étayer ces observations.
Une définition à clarifier
On définit habituellement l’homosexualité au sens large, pour son aspect comportementaliste tout au moins, comme des rapports sexuels entre individus de même sexe. On parle alors de rapports homoérotiques. Cela sous-entend la sexualité animale, avec la parade nuptiale pour les animaux, les témoignages d’affection. Pour certaines espèces, cela recouvre également la vie en couple ainsi que l’éducation familiale. Ainsi, l’homosexualité peut devenir un moyen de résolution de conflits chez certaines espèces comme les bonobos par exemple.
Des observations récentes ont montré à quel point l’acte sexuel permettait d’échapper à des tensions au sein de leur groupe ou clan. On pense évidemment à ce slogan des années 1970 qui prônait « Faites l’amour, pas la guerre ». Des animaux hippies ont peut-être tout à nous apprendre pour éviter des conflits mondiaux. Cependant, comme pour la communauté humaine, ces comportements tout à fait naturels ont été longtemps tus, voire combattus.
Des tabous au sein de la communauté scientifique
Rappeler le poids de la religion qui a déposé le sceau du péché sur les comportements homosexuels serait comme enfoncer une porte ouverte. C’est donc un sujet qui est devenu « tabou » aussi bien dans les sociétés humaines que chez les animaux, puisque, ne l’oublions pas, nous ne sommes finalement que des animaux doués d’une intelligence plus développée. Alors qu’Aristote le décrivait sans retenue, ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que le zoologiste français Henri Gadeau de Kerville va l’évoquer dont le titre montre bien à quel point ce sujet est sensible avec son « Perversion sexuelle chez les coléoptères mâles ». Si le phénomène est observé, il est considéré par le spécialiste comme une déviance et non pas comme un comportement naturel.
Il faut attendre un rapport plus approfondi du sexologue Magnus Hirschfeld qui met en exergue que l’homosexualité est largement répandue dans le règne animal. Ses explications veulent tout de même remettre en question la notion de perversion. Ainsi, ces comportements seraient dus à des causes comme la simple absence de partenaire ou encore une erreur. Néanmoins, une réelle avancée lui fait conclure que l’instinct homosexuel animal s’oppose à celui d’instinct de survie et de perfectionnement de l’espèce. Ainsi, les membres les plus faibles de l’espèce ne pourraient pas se reproduire. La conclusion est sans pitié, mais est-elle juste ?
L’homosexualité animale enfin reconnue
Ce n’est que très récemment que ce comportement est enfin admis parmi les scientifiques qui les étudient. Auparavant, des pratiques aussi barbares que des castrations chez les babouins ou les manchots papous homosexuels avaient lieu. Ainsi, on sait à présent que ce sont au moins 450 espèces animales de vertébrés, dont les zèbres, qui adoptent des rapports sexuels et érotiques avec des individus de même genre. On sait également que 5 % des activités sexuelles des oiseaux sont homosexuelles.
On constate également des comportements parentaux tout à fait étonnants avec des œufs indifféremment couvés par des membres du groupe. Ainsi, si nous sommes encore confrontés à des discours haineux à l’égard des homosexuels chez les humains, les animaux sont capables de nous montrer quelle est la voie de l’acceptation des différences.