INNOVATION : La biothérapie pour devenir immortel ?
On en est pas à la cryogénisation qui se targue de pouvoir nous résuciter dans 100 ans, mais quand même… La société de biotechnologie française Cellectis a inventé un procédé révolutionnaire pour, à terme, réussir à soigner toutes les maladies grâce à des thérapies régénératrices et des médicaments personnalisés, au moyen de… nos propres cellules ! Ceci évite alors toute possibilité de rejet. « C’est un peu comme si l’on pouvait se faire une sauvegarde génétique pendant qu’on est en pleine forme, et la mettre de côté pour se réinitialiser un jour » explique André Choulika, son PDG.
En effet, il a pris le pari osé de miser sur une évolution exponentielle des progrès de la médecine qui serait supposés rendre possible de tels traitements. Mais comment cela se présente-t-il ? Voici un petit schéma :
Pour la « modique » somme de 47 000 dollars, le client passe un contrat à très longue durée avec la société Scélis (filiale de Cellectis). On effectue un prélèvement de peau (3mm). On cultive ensuite ces cellules cutanées pour en augmenter le volume et on en transforme une partie en cellules souches pluripotentes induites qui sont conservées dans de l’azote liquide à -180°. Communément appelées iPS, ces cellules ont été créées pour la première fois en 2006 par Shinya Yamanaka, prix Nobel de médecine 2012. Tout comme les cellules souches embryonnaires (extraites du cordon ombilical), elles jouent un rôle important dans le traitement de maladies génétiques, de cancers, et de remplacement d’organes. Toutefois, si les CSE sont totipotentes et permettent de recréer un organe entier (car elles sont à la base du développement cellulaire in-utéro, ce sont elles qui créent l’embryon, puis le foetus, jusqu’à l’être humain que nous devenons), les iPS créées par l’homme en sont incapables.
Pourtant, leur action suffit à une régénération saine d’un organe abimé en créant de nouvelles cellules spécifiques à cet organe ! Par ailleurs, elles ont le mérite de réconcilier scientifiques et religieux car n’étant pas issues d’embryons obtenus par fécondation in-vitro elles sont compatibles avec les grands textes comme la Bible ou la Charia ! Une autre qualité des iPS est de pouvoir, d’ici quelques années, mettre au point des thérapies régénératrices personnalisées acceptées à 100% par le malade, ce qui éliminera le besoin de traitements et de médicaments à lourds effets secondaires, qui peuvent être dangereux voire mortels…
Pour l’instant, si l’emploi de la « techno-médecine » se propage partout sur la planète, ces traitements innovants n’en sont qu’à leurs balbutiements. On utilise encore principalement des CSE dans la plupart de ces biothérapies, et celles contenant des iPS en sont au stade final des tests. Déjà des médecins du monde entier s’apprêtent à commencer les essais cliniques dans divers domaines tels que la réparation de cartilages, la greffe de grands brûlés, la reconstitution du tissu cardiaque, et même la lutte contre la leucémie ! Autant d’innovations qui font dire à André Choulika « Un bébé né cette année a une espérance de vie de 140 ans. Dès 2020 ou 2030, les gens se feront couramment soigner comme cela« .
Mais elles soulèvent également un certain nombre de questions. Est-il vraiment souhaitable de tendre vers une telle espérance de vie, alors que l’on peine déjà à nourrir les bientôt 9 milliards de personnes qui vivent sur la Terre ? Lorsque André Choulika nous dit que les gens se feront « couramment » soigner comme cela, cela signifie-t-il que la pratique sera répandue à une majorité de personnes ? Car le coût de telles techniques est pour l’instant extrêmement élevé. Alors cela ne cacherait-il pas un progrès effectivement révolutionnaire mais finalement réservé à des élites qui arriveront donc à se maintenir dans un état de semi-immortalité potentiellement dangereux ? Plus inquiétant encore, la société est-elle prête à encaisser le choc d’une telle évolution médicale qui arrive presque à mettre la mort en échec ?
Réparation du cerveau et cellules souches :
https://www.youtube.com/watch?v=4eASQEbaXII&w=600&h=450]
Autant de questions éthiques et sociales qui seront débattues à l’occasion de la semaine du débat bioéthique, avant que l’Assemblée Nationale examine jeudi une loi libéralisant l’usage des cellules souches. Pour l’instant, le contrat proposé par Scéil n’est autorisé qu’aux États-Unis, à Dubaï et Singapour, et pourrait bientôt l’être en Suisse. « La réglementation française, en revanche, rend ce type d’offre impossible, puisqu’elle exige de spécifier l’usage futur de tout prélèvement biologique » souligne le secrétaire général de Cellectis, Philippe Valachs.
source : Le Nouvel Obs