Guerre en Syrie : entre déstabilisation et impuissance
Cela fait maintenant plus de deux ans que la guerre civile syrienne a débuté, le 15 mars 2011. Le nombre de victime a été évalué à 70 000 par l’ONU, dont une grande majorité de civils. Malgré les dénonciations des persécutions perpétrées par le régime de Bachar-Al-Assad et les appels de la résistance, la communauté internationale est inactive. Alors pourquoi l’ONU, dont le rôle principal est de garantir la diffusion de la démocratie et des droits de l’Homme, ainsi que la paix internationale, reste de marbre face à la terrible répression orchestrée par le régime dictatorial ? Petit débriefing, afin que vous puissiez comprendre cette situation complexe.
Impasse à l’ONU et à toute action unilatérale
Alors que la communauté internationale condamne les agissements du régime syrien, aucune mesure ferme n’a encore été entreprise à son encontre. Cela est dû à l’intransigeance de la Russie et de la Chine à intervenir. Les deux pays voient d’un mauvais oeil toute incursion sur le sol syrien, en vertu de leur opposition farouche au droit d’ingérence. En effet, la dictature communiste et le régime autoritaire de Vladimir Poutine n’ont jamais reconnu comme légitime l’intervention d’autres nations dans les affaires internes d’un état, fût-ce pour protéger des populations persécutées, car cela pourrait un jour se retourner contre eux. La Russie a également une autre raison de laisser la terreur continuer en Syrie car elle est l’un des principaux fournisseurs d’armes de Bachar-Al-Assad, ce qui lui assure une magne régulière et un moyen de tester du matériel militaire. La Russie et la Chine opposent donc leur véto au Conseil de Sécurité des Nations-Unies, ce qui bloque tout mandat d’intervention.
Alors, pourquoi ne pas entreprendre une action unilatérale comme l’avait fait les États-Unis pour la guerre en Irak, d’autant que la plupart des pays européens se rangeraient à leurs cotés ? Car la guerre coûte cher, et la situation économique actuelle ne permet a aucun des pays du Nord d’entreprendre ce genre d’action, dont la facture s’élèverait à plusieurs dizaines de millions de dollar par jour. Et les États-Unis auraient peur de voir leur plus gros créancier, la Chine, durcir les intérêts et ainsi alourdir leur dette déjà abyssale, si ils engageaient ce genre d’action. Le souvenir des échecs au Vietnam, au Koweit et en Afghanistan sont d’ailleurs toujours dans les mémoires, ainsi que leurs prix économique et humain, ce qui explique aussi la réticence des États-Unis.
Quant à livrer des armes aux rebelles comme cela avait été le cas pour les autres révolutions de Jasmin, on y réfléchi. Mais là aussi un problème se pose : le risque de voir ces armes récupérées par les mouvements djihadistes très présents dans la région et actifs aux côtés des rebelles, comme cela s’était produit en Libye. À l’heure où la guerre contre le terrorisme est toujours la priorité de l’Occident, il serait inopportun de minimiser ce risque et d’agir dans la précipitation, surtout depuis l’intervention française au Mali. L’inaction prévôt donc.
Portrait d’une guerre (AFP)
Des intérêts géostratégiques à préserver
La prudence qui semble être la règle primordiale des grandes nations face à la situation en Syrie s’explique également par la nécessité de maintenir un équilibre fragile dans cette région très instable. Car le conflit syrien s’oriente dangereusement vers un conflit confessionnel. L’islam se divise en deux courants principaux, le chiisme et le sunnisme. Or, bien que la majorité de la population soit sunnite, la Syrie appartient à l’axe chiite (car Bachar-Al-Assad fait parti de ce courant), avec l’Iran, l’Irak et le Liban, tandis que l’axe sunnite se compose de tous les autres pays du Moyen-Orient. Les rebelles syriens sont donc soutenus par les pays sunnites afin de faire tomber le dirigeant syrien, alors que l’Iran apporte un soutient militaire et logistique à Bachar-Al-Assad pour ne pas perdre ce bastion chiite. Les puissances occidentales n’ont donc pas intérêt à s’immiscer dans un conflit tournant à l’affrontement religieux, d’autant qu’elles ont des accords commerciaux avec nombre de ces pays pétroliers richissimes, toutes confessions confondues.
Un autre paramètre entre en considération dans cet équilibre : Israël. Le conflit israélo-palestinien qui dure depuis près de 70 ans contribue à l’instabilité de l’ensemble de la zone moyen-orientale, et le risque de guerre ouverte en Israël et l’Iran menace plus que jamais. La république islamique a fait de la destruction de l’état sioniste son cheval de bataille, et l’inflexibilité de ce dernier concernant les colonies en Palestine ne fait que jeter de l’huile sur le feu. L’Iran est d’autant plus menaçant qu’il continue a exploiter l’énergie nucléaire dans le but de s’armer de la bombe atomique, malgré les avertissements de la communauté internationale dont il se rit. Si une intervention en Syrie était décidée et qu’Israël y prenait part, ce serait une occasion pour l’Iran de lui déclarer la guerre. Sunnites et chiites pourraient alors faire front contre cet ennemi commun. Mais l’issue de la guerre serait incertaine car le rapport de force, notamment financier, est en train de s’inverser grâce au porte-feuille des pays de l’OPEP, actuellement bien plus fourni que celui des grandes puissances. Ces dernières n’ont donc pas intérêt à déstabiliser encore davantage une situation déjà bien périlleuse en intervenant directement en Syrie, au risque de déclencher un conflit bien plus large.
Une perte de légitimité source d’impuissance
En outre, les puissances occidentales n’ont plus de pouvoirs d’influence conséquents au Moyen-Orient du fait des révolutions arabes. Il leur manque également la légitimité nécessaire à intervenir, après s’être acoquiner durant des décennies avec les dictateurs en place avant ces révolutions. Bien que les peuples libérés soient reconnaissants envers les pays du Nord pour l’aide qu’ils leur ont apporté, ils n’oublient pas que leurs dictateurs avaient reçu des accueils pompeux et amicaux en Europe avant les soulèvements, d’autant que les partis islamistes aujourd’hui au pouvoir dans la plupart de ces pays ne se font pas prier pour le rappeler. Et le financement des mouvements islamistes radicaux, voire terroristes, par les puissances islamiques comme le Qatar, l’Arabie Saoudite ou l’Iran, qui se livrent à une surenchère entre groupuscules sunnites et chiites, pourrait à terme déstabiliser l’ensemble de la zone et ainsi permettre aux républiques islamiques d’imposer leurs vues à l’ensemble du continent arabo- africain.
Il est donc nécessaire et urgent que les pays du Nord s’accordent et prennent des décisions effectives sur le terrain afin d’arrêter les massacres et de rétablir la démocratie dans le monde arabe, au risque de voir se former un axe islamiste puissant et riche contre lequel il sera alors impossible de lutter.
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