« Chaque matin, j’appréhende l’ouverture du magasin » : Une employée de supermarché témoigne sur son quotidien depuis le confinement
Chaque soir, les citoyens de la France entière se donnent rendez-vous aux balcons pour applaudir le personnel hospitalier. Un geste doux et plein de soutien, qui réchauffe les cœurs. Mais chaque jour, les citoyens sont encore trop nombreux à se rendre en courses, et dévalisent les rayons. Marine*, une employée dans une célèbre enseigne en Île-de-France, témoigne de son quotidien depuis le début du confinement pour le Tribunal du Net.
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« Les livraisons arrivent toujours »
Ils sont trop souvent les oubliés de cette crise sanitaire. Ceux qui, d’habitude, sont moqués à travers de malheureux stéréotypes visant à pointer du doigt un manque d’intelligence dont ils feraient preuve : les employés des supermarchés. Ils s’attellent chaque jour, entre autres, à la mise en rayon et à la propreté du magasin, même en temps de confinement. Et comme une soudaine prise de conscience liée à la crise sanitaire qui accable le pays, les citoyens ont remarqué qu’être employé dans un supermarché, cela avait un côté plutôt pratique…
Avec des débuts très difficiles face à la ruée dans les rayons de la part des citoyens, la fatigue s’est rapidement fait ressentir pour Marine et ses collègues. « Les gens ont eu peur d’une pénurie, alors ils se sont précipités en courses pour faire le plein » explique la jeune femme, avant d’ajouter : « Le supermarché arrive à se réapprovisionner. Malgré la fermeture partielle de certaines frontières, les livraisons arrivent tous les jours » .
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« Trop de quantité par personne finit par provoquer des manques en rayon »
Des livraisons chaque jour, et des quantités habituellement suffisantes, mais qui disparaissent en quelques heures. Dans les rayons, le pain, les œufs, les produits laitier ,le papier toilette et les pâtes manquent encore trop souvent. « Les citoyens ne prennent pas seulement l’essentiel vital. Et trop de quantité par personne finit par provoquer des manques en rayon » . Un manque qui s’explique donc par le comportement des consommateurs.
Rappelez-vous, au début du confinement : des caddies entiers remplis de bouteilles d’huile, de papiers toilettes et de pâtes. Des quantités parfois astronomiques, dépassant bien souvent l’entendement. « Ce n’est pas à nous de dire aux clients de se limiter. C’est à eux de ne pas être égoïstes. Et pourtant, on est obligé de faire la ‘police’ et limiter les quantités par caddie et par personne » explique Marine, quelque peu exaspérée.
« La fatigue est omniprésente, autant sur le plan physique que mental »
Malgré les nombreuses mesures de sécurité mises en place dans le supermarché pour lequel elle travaille, Marine est de plus en plus épuisée. « En toute honnêteté, plus les jours avancent, et moins l’envie d’aller travailler est présente. Il y a toujours autant de clients en magasin, c’est loin d’être rassurant. La fatigue est omniprésente, autant sur le plan physique que mental. C’est dur » avoue-t-elle.
Et cette fatigue est également dû au manque d’effectif : personnes à risques ou pour garder leurs enfants, des employés ont dû être placés en arrêt. « Mais certains s’arrêtent pour des motifs inconnus. Alors on fait avec, mais on a de plus en plus de mal à suivre « indique la jeune femme, avant d’ajouter que « l’ambiance est au travail. On n’a pas le temps de se poser des questions. Entre nous, les employés, il y a avant tout une solidarité malgré quelques tensions dues au rythme de travail et l’atmosphère pesante que nous inflige cette crise sanitaire » .
« Chaque matin, j’appréhende l’ouverture du magasin »
Tous les matins, les supermarchés et hypermarchés continuent d’ouvrir leurs portes. Certains ont même mis en place des horaires où les personnes âgées sont prioritaires. Mais tous les matins, Marine et ses collègues appréhendent l’ouverture du magasin. « Les gens ne respectent pas les mesures de sécurité, en plus d’être nombreux. J’appréhende l’ouverture du magasin et le comportement des citoyens. Heureusement, certains tentent au maximum de respecter les consignes « avoue Marine.
La peur de Marine, ses angoisses, ses craintes et sa fatigue, c’est également l’état mental et physique de nombreux employés de supermarchés en France et dans le monde. À travers une société bien trop souvent égoïste, qui remplie son caddie plus qu’il n’en faut, et qui insuffle une atmosphère plus pesante encore, Marine et ses collègues sont épuisés. Et pourtant, ils seront des milliers de salariés à se réveiller demain pour vous rendre service. Et ils vous diront tous la même chose : « Il est important que les citoyens viennent faire leurs courses en cas de nécessité. Sinon, il faut rester chez vous« .
* : Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat de l’employée.