Cancer du sein : « Tes chimios, c’est pas pendant les heures de boulot ! »
Une énième violence. Être une femme, travailler et avoir un cancer du sein ne fait pas bon ménage. Et c’est le témoignage d’Anne qui ouvre les yeux sur un quotidien que nous ne soupçonnions pas.
Cancer du sein : elle perd son travail
Appelons un chat un chat. Ce qu’a subi Anne est d’une discrimination sans nom. En 2008, les médecins lui diagnostiquent un cancer du sein. Anne est alors cheffe de mission internationale dans une association humanitaire.
Bien entendu, le cancer doit être soigné. Des traitements permanents et contraignants. Pendant 4 ans, elle est arrêtée « D’abord en arrêt maladie puis en invalidité. Mais ma pension n’était pas énorme. » Et son travail lui manque. Alors, comme 77% des personnes qui travaillaient au moment du diagnostic, elle décide de reprendre le travail en 2012.
C’est heureuse qu’elle y retourne mais déchante très vite : « Mon employeur m’a payé une formation de retour à l’emploi. C’était en fait un rassemblement des laissés-pour-compte de l’entreprise. On ne s’en est pas rendu compte au début mais ce stage nous préparait à être poussés vers la sortie. »
De retour dans l’entreprise, Anne passera, pendant des années, des dizaines d’entretiens. A presque 50 ans, on lui propose des postes de nouveaux arrivants ou d’administration « on m’a fait rétrograder. C’est simplement ça ».
Elle ne lâche rien et refuse de démissionner. « On m’a proposé un plein-temps à Paris alors que j’habite dans le sud de la France, que j’ai deux enfants, que je les élève seule et que j’ai une maladie chronique. Ils le savaient et ils m’ont proposé ce poste. J’ai accepté mais évidemment c’est parti en vrille. Je n’ai pas tenu le rythme »
Cancer du sein : « tes chimios, c’est pas pendant les heures de boulot »
Arrivée dans la capitale, Anne met toutes les chances de son côté : elle reste plus tard que les autres, elle passe ses pauses déj’ aux toilettes pour faire une sieste, épuisée pat son cancer du sein. Elle a 5 collègues à qui sa situation n’a pas été présentée. Et une cheffe.
Elle regrette qu’il n’y ait pas eu d’accompagnement « j’étais à plein temps et je n’avais même pas le temps de faire mes chimios. Ma cheffe me demandait de prendre des RTT pour y aller. Alors j’allais les faire entre 12 et 14 heures … Ma pire scène, c’était un jour où je revenais au travail après ma chimio. Il était précisément 14h15, je n’avais pas de réunion, rien d’urgent mais ma cheffe m’attendait dans le couloir. Elle m’a dit, droit dans les yeux ‘Anne, tes chimios, c’est pas pendant les heures de boulot !’ J’étais effondrée. Ca a été une véritable descente aux enfers. »
« La direction poussait les salariés fragiles à la démission« . Epuisée, Anne demande un mi-temps thérapeutique. Un rythme incompatible avec son poste.
« Après Paris, on m’a laissée chez moi à rien foutre, puis on m’a proposé un poste comme le précédent. J’ai refusé. Et après un an sans salaire, on arrive enfin au licenciement pour inaptitude. Une procédure que j’ai moi-même initiée. »
Pour Anne, un nouveau combat se profile. Celui de revendiquer la nécessité de sensibiliser les entreprises « On fait très peur, nous, les malades chroniques. Les entreprises devraient créer un environnement accueillant et rassurant pour aborder la maladie, proposer des ateliers d’aide au retour au travail, être à l’écoute, organiser des réunions, expliquer les effets secondaires aux collègues, tout cela pourrait être facilité si l’entreprise faisait un pas vers nous. »
En somme : plus d’humanité, comprendre que les employés sont des êtres-humains, prendre en compte leurs qualités et leurs défauts, travailler dans un climat de bienveillance et arrêter de croire qu’ils sont des machines. De simples être humains. Merci Anne, pour ce témoignage.