Brésil : de violents soulèvements contre l’inflation et le gouvernement
Comme d’habitude, un fait presque anodin a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Au Brésil, ce fût la hausse du prix des transports en communs. Mais il s’agit en fait d’une crise de fond qui fait suite au décalage insupportable entre le formidable boom économique qu’a connu le pays et les aspirations des 30 millions de brésiliens qui constituent la classe moyenne nouvellement sortie de la pauvreté.
En effet, si le pays a réussi à se hisser jusqu’à la place de 7ème économie mondiale en moins de 15 ans, les politiques publiques n’ont pas accompagné les évolutions sociétales liées au développement économique. Et c’est là que le bas blesse. Alors que le gouvernement a investi près de 11 milliards de dollars pour préparer le mondial de football 2014 qui aura lieu sur son sol, si peu de fonds publics sont dédiés à la santé, l’éducation, le pouvoir d’achat ou à l’amélioration des infrastructures urbaines.
Ainsi, à l’image de la révolte turque, 200 000 brésiliens sont descendus dans les rues lundi 17 juin pour manifester leur opposition aux décisions politiques prises par leurs dirigeants, sans toutefois remettre en cause les institutions du régime. Il n’y a donc pas de « printemps tropical » à proprement parler, mais une réelle contestation du peuple qui entre dans un cadre démocratique. C’est d’ailleurs une constatation qui se retrouve dans les paroles de la présidente brésilienne, qui a compris qu »ont surgi des citoyens qui réclament plus et ont droit à plus » et qu’il est donc normal que « les exigences de la population changent au fur et à mesure que nous transformons le Brésil, que nous augmentons la richesse, l’accès à l’emploi et à l’éducation« .
Mais ni ces discours, ni la compréhension des revendications ne sauraient arrêter ce mouvement national, comme l’explique l’analyste Breno Altman, qui dirige le site d’information Opera Mundi, « Ils ne sont pas contre les changements apportés par Lula et Dilma depuis 2003, mais ils veulent plus, mieux et vite » résume-t-il, avant d’ajouter « Il y a un malaise croissant à l’égard d’un système politique dans lequel, au nom de la gouvernabilité, on préserve les vieilles institutions, les alliances avec l’oligarchie pour former une majorité parlementaire, en renonçant aux valeurs et à la mobilisation sociale.«
Le gouvernement de Dilma Rousseff devra donc réagir avec la détermination de faire évoluer la société dans la direction réclamée par le peuple, au risque de devoir faire face à des soulèvements encore plus importants. Car ces évènements dépassent la contestation. Comme l’évoque Stéphane Witkowski, président du conseil de gestion de l’Institut des hautes études d’Amérique latine, « C’est le réveil de la classe moyenne qui prend enfin conscience de son poids. C’est aussi la révolte de la jeunesse, qui exprime son impatience en dénonçant le montant de la facture de la Coupe du monde de football, la marchandisation du sport, la corruption des élites. » Le cri d’alarme des brésiliens n’est donc pas si éloigné de nos propres aspirations, sauf que chez nous la classe moyenne ne se bat pas pour un meilleur service public, mais pour essayer de ne pas retourner d’où elle vient : la pauvreté.
On dirait quand même une vraie petite révolution en les voyant devant le parlement…
https://www.youtube.com/watch?v=EddsKhKUYEw